« Révolutions arabes » : enjeux et répercussions
sur le continent africain. L’Afrique entre guerres « humanitaires » et
droits de l’homme avec une CPI clientéliste. L’Afrique entre ses
paradoxes et son Union « sabotée » avec à la clé une Africom et ses
visées stratégiques. Questions complexes que La Nouvelle République a
abordées dans cet entretien avec Komla Kpogli, SG de la J.U.D.A (Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique).
LA NR / Un mot sur les «
révolutions arabes ». Pour vous, ce sont des « révolutions inabouties et
sous contrôle ». Pouvez-vous expliciter ?
Komla Kpogli : On ne peut dire que l’intention
véritablement révolutionnaire soit totalement absente des rangs de ces
marées humaines dans les rues des pays en question. Les régimes
politiques kleptocrates soutenus dans ces pays sous le fallacieux
prétexte qu’ils constituaient des remparts anti-islamistes avaient non
seulement immobilisé le peuple par la répression mais surtout ils
l’avaient immensément paupérisé au profit de deux entités absolument
parasitaires : une « élite indigène » corrompue pour qui le patriotisme
est le premier des péchés à commettre et des économies capitalistes
prédatrices. Cette situation ne peut que conduire tôt ou tard à des
insurrections populaires. La bonne foi révolutionnaire de beaucoup de
manifestants est donc à présumer. Mais, laisser les choses se faire par
le peuple équivaudrait à lui accorder la force de prendre sa destinée en
main. Autrement dit, c’est amoindrir la mainmise occidentale sur les
richesses de ces pays, c’est perdre le rôle géopolitique attribué à ces
pays dans ce qui est dénommé la scène politique moyen-orientale, c’est
donner la possibilité à ces peuples de désigner des interlocuteurs
valables face au lieutenant de la région qu’est Israël. Dans ces
conditions, les pays occidentaux, même si certains comme la France ont
eu du retard à l’allumage, ont compris qu’il fallait prendre le contrôle
de ces bouillonnements populaires et leur donner une direction.
Canaliser ces révoltes voire les organiser pour qu’elles servent au
mieux les intérêts jusque là défendus par les satrapes au bord du
précipice. Pour obtenir ces changements dans la continuité, les parrains
de ces tyrans vont les sommer de quitter le pouvoir et ils iront, pour
certains, jusqu’à former des « jeunes révolutionnaires » à l’école des
mouvements que la CIA via la National Endowment for Democracy (NED)
avait actionnés dans les Balkans dans les années 2000. D’autres encore
leur offriront des facilités médiatiques et communicationnelles au
travers des réseaux sociaux. Ces « exigences » en apparence en
conformité avec le vœu des masses révoltées résultent en réalité d’un
calcul rigoureux. Demander et obtenir, avec la rue, le départ des tyrans
pour pouvoir mieux maîtriser la suite des évènements et conserver leur
système et leurs régimes. C’est ainsi qu’après le départ du pouvoir de
Ben Ali et Hosni Moubarak, deux joyaux présentés pendant longtemps par
leurs parrains comme « les meilleurs élèves de la région », le système
n’a pas fondamentalement bougé. « Les rois étaient tombés, mais vive les
rois ». C’est en cela que ces révolutions sont inabouties et
maîtrisées. Mais visiblement, les peuples ont compris le jeu notamment
en Egypte où ils n’ont jamais cessé de manifester en vue d’obtenir la
fin d’un système et pas seulement le départ d’un homme et de son clan.
LA NR /Certains pensent que la guerre de Libye est une guerre contre l’Afrique. Etes-vous de cet avis ?
Komla Kpogli : Bien évidemment elle l’est. Plusieurs
projets et réalisations de la Jamahiriya arabe libyenne dans nombre de
territoires africains confirment cette lecture. La Libye a investi dans
beaucoup de ces territoires. Ces investissements mettaient directement
en danger ceux des pays occidentaux qui considèrent ces espaces comme
les leurs. Il en est ainsi du financement en partie du satellite Rascom
1. Le fait que ce soit la Jamahiriya qui parle le plus d’une Union
Africaine tournée essentiellement vers les besoins africains, le fait
que ce soit elle la première contributrice intérieure au budget de l’UA
actuelle et qui par ce biais tentait de limiter la dépendance de
l’Afrique entrent dans ce schéma. Il y a en outre les projets de
création du dinar-or qui serait une monnaie africaine, d’une nouvelle
politique de redistribution des recettes pétrolières et de la
constitution d’un gouvernement fédéral africain avec des attributions
énumérées par Kadhafi en 2009 avec tous les pays africains ou à défaut
un nombre restreint selon ses propres termes l’ont exposé à la haine
occidentale renforcée à la fois par des vérités que, côté africain,
seuls Kadhafi et quelques rarissimes dirigeants puissent dire du haut de
la tribune de l’ONU et par des investissements des fonds souverains
libyens investis dans des pays occidentaux. Ces investissements
notamment dans l’agro-alimentaire, dans le pétrole, les banques et
assurances et dans l’immobilier rapportaient pas mal de profits à ce
pays qui finançait ainsi son développement en toute autonomie. Ce qui
l’avait mis aussi à l’abri du piège de la dette que recommandent le FMI
et la Banque mondiale. En outre Kadhafi vient régulièrement en aide aux
pays en indélicatesse avec les occidentaux, alias la communauté
internationale. En assassinant un homme de cet acabit, il est évident
que c’est toute l’Afrique qu’on vise.
Au-delà de tout ceci, il faut dire que l’un des
objectifs les plus importants de cette guerre c’est de priver les
africains de modèle de gouvernement endogène. Les empêcher d’avoir des
référents sur le plan local –nonobstant leurs imperfections ou erreurs-
qui puissent les inspirer de sorte qu’ils aient toujours le regard
tourné vers le modèle capitaliste occidental qui les pillent et les
endettent tout en ayant un discours sur l’aide et la coopération en
bandoulière.
LA NR /Quelles seraient les répercussions de ces « révolutions arabes » sur le continent africain ?
Komla Kpogli : Leur effet sera d’une moindre
importance aussi longtemps que les tyrans africains seront de « bons
élèves » du FMI, de la Banque Mondiale…Au fond, la crise étant chronique
en Afrique, il existe des contestations quotidiennes plus ou moins
organisées contre les tyrans en place. Mais ces contestations noyées
dans le bain des répressions sanglantes ne suscitent aucune attention si
elles ne sont considérées que comme la manifestation patente des «
conflits ethniques » qui seraient la mesure de toute chose en Afrique
noire selon les spécialistes autoproclamés de l’Afrique. Toutefois,
certains peuvent être tentés de s’inspirer des mouvements maghrébins
suscités ou non. A notre avis, ces tentatives seront vaines. Car, il
leur manquera le soutien des occidentaux comblés dans leurs multitudes
attentes par l’état actuel de la gouvernance en Afrique noire. C’est ce
que nous voyons actuellement avec le vol à main armée du suffrage
populaire par joseph Kabila au Congo. Malgré les cris de détresse de
Tshisekedi, vainqueur spolié de son dû, personne ne lui volera au
secours. Mieux, toutes les déclarations que ce soit celles émanant du
secrétariat général de l’ONU, des ONG et des chancelleries occidentales
consistent à culpabiliser les victimes pour blanchir les coupables.
C’est une vieille méthode que ces institutions ont inventé pour
maintenir immobilisé de tout temps notre peuple, pour assassiner des
millions d’africains, surtout des plus illustres et ainsi garder les
intérêts coloniaux en l’état. Toutefois, pour éviter que cette
perspective fasse dire à vos lecteurs que nous sommes d’un pessimisme
sans égal, nous disons que les africains doivent faire leur révolution
en s’inspirant d’eux-mêmes, c’est-à-dire en partant d’eux-mêmes pour
revenir à eux-mêmes. L’histoire montrant que les noirs n’ayant pas
d’alliés dans le monde, ils ne doivent que compter sur eux-mêmes en
toute chose.
LA NR / Les Occidentaux
prétextent mener ces guerres au nom des droits de l’homme (guerre
humanitaire), à considérer ce qui se passe en Palestine, au Bahreïn, au
Yémen, en Afghanistan et sur les bases militaires de Guantanamo et
d’Abou Ghraïb, peut-on encore parler de droits de l’homme ?
Komla Kpogli : Il n’y a pas de guerre humanitaire.
C’est un mythe. Ces guerres sont du business. Non seulement la
dépendance politique du pays agressé s’implante mais encore ses
richesses sont drainées vers les pays agresseurs et leurs
multinationales. Les « soldats humanitaires » de l’Occident accompagnés
de quelques ravitailleurs locaux africains ou arabo-musulmans de
pacotilles et de décor détruisent l’aviation et le matériel militaire,
mais le gouvernement fantoche et obséquieux à venir devra acquérir de
nouveaux matériels de guerre. Les « guerriers et les bombardiers
humanitaires » détruisent les infrastructures dont s’est dotée le pays
agressé au prix d’énormes sacrifices, mais les préfets locaux à venir
devront en reconstruire. Et qui sont ceux qui vont avoir les contrats
pour la prétendue reconstruction? Les multinationales des pays
envahisseurs. Comme en Irak et partout ailleurs. Ainsi, le profit sera
double voire triple: détruire ce qu’on avait vendu, faire payer le reste
de la facture si tout n’avait pas été réglé par l’ancien régime et «
reconstruire » ce qu’on avait détruit. On a vu clairement ces pratiques
aux lendemains immédiats de la chute de Tripoli. Après Sarkozy et
Cameron, une bande dite d’hommes d’affaires conduite par le secrétaire
d’Etat français au commerce extérieur, Pierre Lellouche a débarqué en
Libye. Les déclarations faites par des membres de ce cortège et surtout
celles de Pierre Lellouche étaient très décomplexées. Ils étaient venus,
déclaraient-ils, prendre leur part, car il n’y avait qu’eux (les
français) et les anglais à combattre aux côtés du fameux CNT.
En ce qui concerne les droits de l’homme, il serait
grand temps de se demander, au vu de l’histoire et de la politique
internationale, qui est cet homme qui a des droits, quels sont ces
droits et pourquoi ce sont seulement les occidentaux et leurs officines
ainsi que leurs ailes marchantes locales agréées et affublées du titre
d’organisation de protection ou de défense des droits de l’homme qui en
parlent en direction d’autres pays notamment ceux qui ne leur sont pas
totalement soumis. Au demeurant, lorsque des pays qui se livrent à des
actes inhumains ou les cautionnent dans des pays que vous venez de citer
et qui malgré leur cv d’exterminateurs de peuples entiers aussi bien
ailleurs qu’en Europe où ils ont tenté d’exterminer les juifs,
d’esclavagistes, de colonialistes, de pillards, de voleurs récidivistes
les armes au point, viennent vous parler des droits de l’homme, vous
devez savoir qu’il y a escroquerie.
LA NR / Vous considérez
les droits de l’homme, la liberté et la démocratie venant de l’Occident,
comme une arnaque que les africains ne comprennent pas pour le moment ;
entendez-vous par là, les gouvernants ou les peuples ?
Komla Kpogli : C’est une arnaque pour deux raisons.
Tout d’abord, l’Occident intrinsèquement
individualiste, conquérant et dominateur ne peut œuvrer pour le bien
d’autres peuples. Il suffit de faire un bon dans l’histoire mondiale
ancienne et contemporaine pour s’apercevoir que l’Occident ne s’est
jamais soucié que de son propre bien-être. Les rares moments où il a eu à
partager ses réussites avec les autres se sont déroulés dans un rapport
de force qui lui est défavorable ou marqué par un équilibre. C’est le
cas par exemple de ses relations avec la chine aujourd’hui.
Ensuite, en s’octroyant la paternité de ces concepts,
l’Occident s’autorise le pouvoir de s’immiscer directement dans les
affaires intérieures des pays qui ne lui sont pas soumis. De ce fait,
les occidentaux s’accordent le monopole de l’exportation de ces notions
par des injonctions, des pressions de toute sorte et des guerres.
Ces concepts sont des outils que l’Occident puise
dans de sa boîte à outils pour abattre des régimes insoumis. Dans cette
boîte à outils, aux côtés de ces concepts, on trouve pêle-mêle : le
droit international, le discours humaniste, l’aide humanitaire, les ONG,
les médias, la justice internationale, l’ONU, les organisations
militaires telles que l’OTAN…Les fameux réseaux sociaux à géométrie
variable entrent également dans cette boîte à outils. Ces concepts dont
nous parlions sont des alibis, des prétextes qui servent à l’occident de
niveler le monde à sa mesure, de s’offrir de nouveaux marchés, de
briser toute tentative d’émancipation qui ne veut pas s’inspirer du
modèle occidental, de détruire toute réflexion autonome au sein d’un
pays, d’étrangler toute idée de répartition juste et équitable des biens
au sein d’un pays et de contraindre des sociétés à abandonner leur
culture. Au nom de la liberté, des droits de l’homme et de la
démocratie, l’occident tue la liberté, les droits et le choix des
peuples. Tous ceux qui luttaient pour une Afrique autonome ont été
chargés par la propagande occidentale d’être des communistes, ennemis de
la « liberté » qui n’est que la liberté pour l’Occident de s’emparer
des richesses de l’Afrique et donc des tyrans pour qui l’assassinat
physique est l’issue. Dans les pays latino-américains, tous les régimes
issus de la volonté populaire étaient et sont considérés comme des
dictatures les plus féroces traquées et matraquées à longueur de journée
par un occident pour qui le tyran est celui qui veut que les richesses
de son pays servent prioritairement à répondre aux besoins de ses
habitants. Le tyran qui viole les droits de l’homme, la liberté et la
démocratie c’est celui qui veut renégocier les contrats miniers de son
pays avec les multinationales, c’est celui qui essaie de limiter la
casse du libéralisme orchestré par l’OMC, le FMI, la Banque mondiale…
Lorsque le vote d’un peuple ne correspond pas au vœu de l’occident, il
est antidémocratique ou alors c’est la fraude. Des exemples existent à
profusion : Gaza avec le Hamas, l’Afrique avec des élections ici et là.
Lorsque le vote est fraudé et entaché de violences les plus sanglantes
en faveur du poulain de l’Occident, il est, selon la formule consacrée :
« malgré quelques légers incidents qui n’entament pas son issue, libre,
démocratique et transparente ». On « prend acte des résultats » au nom
du principe de la souveraineté qu’on nie aux autres et les diplomates et
autres commentateurs occidentaux disent « pourquoi voulez-vous qu’on
intervienne dans leurs affaires intérieures ? » ou « si on intervient on
critique l’interventionnisme occidental, si on n’intervient pas on nous
accuse d’inaction » ou encore « on ne peut leur demander d’accomplir en
quelques dizaines d’années ce que nous avons, nous occidentaux mis des
siècles à construire ».
Dans leur sphère immédiate, les occidentaux refusent
aux peuples ce qu’ils prétendent apporter à ceux qui sont à des milliers
de kilomètres. On vient de le voir en Grèce où l’ex-premier ministre
Papandreou a commis selon les deux premières puissances de l’Union
Européenne le crime de vouloir demander l’avis de son peuple sur un
accord qui prescrivait un traitement de choc à cette économie en
faillite. De la même façon, les gouvernants qui livrent des guerres à
d’autres pour soi-disant leur faire écouter la voix du peuple, étaient
ceux-là mêmes qui avaient contourné la vox populi concernant l’adoption
du traité de Maastricht.
Donc, aussi bien par omission que par commission,
aussi bien dans son espace qu’ailleurs, l’occident n’agite ces notions
que pour répondre à ses intérêts et ceux de ses classes dirigeantes
toutes tendances confondues. Partout où l’occident est intervenu au nom
de ces notions, que les sceptiques ressassent l’histoire, le chaos total
s’installe à l’intérieur avec un tyran qui organise parfaitement la
canalisation des richesses du pays vers l’extérieur. Ce sont donc les
peuples qui ne comprennent pas encore cet attrape-nigaud. C’est pour
cela que des organisations dites de défense des droits de l’homme et de
promotion de la démocratie fleurissent en Afrique avec le financement
des Etats occidentaux, des multinationales, des fondations et des
organisations dites internationales. Et en bénissant ces concepts que
les occidentaux portent à la bouche, les peuples attirent le loup dans
la bergerie africaine. Sans doute leur restera t-il la liberté et la
démocratie ainsi que le droit de compter les cadavres. Lorsque les
peuples auront compris, ils chercheront des solutions endogènes aux
problèmes auxquels ils sont confrontés au lieu d’appeler les loups
surnommés « la communauté internationale » au secours.
LA NR / Récemment Laurent
Gbagbo a été « déporté » devant la CPI, des organismes des droits de
l’homme à l’instar d’Human Right Watch ont salué ce transfèrement ; or,
si l’on comptabilise les crimes commis par les israéliens, les
américains, les français, leurs leaders méritaient également de
comparaître devant cette CPI. Pourquoi cette politique des deux poids
deux mesures ?
Komla Kpogli : Cette situation s’explique par le fait
la CPI est une institution politique au sens propre du terme. La
propagande veut la faire passer pour une justice. Malheureusement, des
africains toujours les premiers à être impressionnés par l’industrie du
leurre occidental y croient vivement. Or, la CPI n’est une justice que
de nom. Puisqu’elle est très sélective. Elle cible et pourchasse
certains hommes qui, à l’observation de leur personnalité et de leur
orientation idéologique, ne sont coupables de rien sauf à refuser de se
soumettre au colonialisme et elle garantit l’impunité la plus absolue à
de véritables criminels. La CPI distingue donc deux types de crimes :
les mauvais crimes qui sont commis par ceux qui sont du mauvais côté,
c’est-à-dire ceux qui s’opposent à l’occident et les bons crimes qui
sont le fait de ceux qui sont du bon côté car ils sont occidentaux ou
leurs alliés. En plus de cette distinction, la CPI fabrique des crimes
contre d’autres personnes que l’Occident entend punir.
De par son origine, son financement et ses pratiques,
la CPI montre bien qu’elle est une institution des pays que vous venez
de citer. La quasi-totalité des ONG qui ont été créées ou activées pour
lui donner un vernis citoyen parrainé par l’ONU sont fondées ou
financées par l’Union Européenne, le gouvernement britannique, la NED,
c’est-à-dire la CIA, Open Society la fondation de George Soros qui se
décline en Afrique par OSIWA, OSF-SA, OSISA et OSIEA. L’inénarrable Luis
Moreno Ocampo, le fameux procureur de la CPI qui a connu des
accusations d’abus sexuels de la part d’un de ses collaborateurs, a été
enseignant aux universités de Stanford et de Harvard, consultant à la
Banque Mondiale et aux Nations Unies puis membre consultatif de
Transparency international dont il a présidé la délégation Amérique
latine. On comprend donc le canevas idéologique de cet homme qui n’a
durant tout son mandat donné au crime contre l’humanité que le visage
noir des africains soigneusement triés sur le volet.
LA NR / A propos de
l’Afrique, c’est le continent le plus riche de la planète, avec une
profusion de ressources naturelles, mais aussi, 57% vivent sous le
seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins d’1,25 $ par jour. Comment expliquer cette contradiction ?
Komla Kpogli : Cette contradiction s’explique par le
fait que l’Afrique continue d’être un continent colonisé dont les
richesses nourrissent d’autres peuples. Il n’y a pas d’Etats en Afrique
pour organiser l’économie et l’orienter vers la résolution des problèmes
endogènes. Il existe dans chaque espace délimité, un semblant de
territoire, une population, mais pas un pouvoir organisé. Ce dernier est
institué et organisé pour drainer les ressources africaines vers
d’autres cieux. L’Afrique est confronté à ce que vous décrivez car elle
est un continent extraverti, son économie est une économie coloniale
conduite à produire ce qu’on lui demande et non ce qui correspond aux
besoins de son peuple, son système éducatif, une construction coloniale,
produit une cargaison des cadres aliénés, des cadres encadrés dont les
rêves les plus fous sont non pas de transformer l’Afrique à partir de
ses valeurs intrinsèques, mais plutôt de maintenir et vulgariser la
version falsifiée de l’histoire africaine, de violer le peuple noir, de
lui imposer toute sorte de greffe ou de travailler dans institutions
dites internationales qui ont toujours œuvrer contre l’Afrique à savoir
l’ONU, l’UE, la Banque Mondiale, le FMI, l’OMC…Bref, cette « élite
indigène » désire ardemment s’emparer du costume de hauts fonctionnaires
qui mystifient leur monde par ce qu’ils considèrent comme un brillant
parcours ou une réussite extraordinaire. Pour monter les étages de ces
proto-Etats et conserver ses petits privilèges, cette « élite indigène »
fière de son statut immobilise tout le reste de la société. L’école
africaine confirme cet état de chose. L’école africaine ne donne à
l’africain ni les bases théoriques nécessaires à la compréhension de ses
problèmes, encore moins les outils pour les résoudre. Elle déprogramme
l’africain depuis le bas-âge, le reprogramme contre lui-même et cette
reprogrammation est consolidée par le catholicisme colonial qui chemine
avec un protestantisme acculturateur et un islam rabougri, perturbateur
et qui, en terre africaine ne s’illustre que par la consommation
effrénée du mouton et le cérémonial de la prière incessante. Ces
religions importées à coups de canons, d’épée et de ruses de la « bonne
nouvelle » et du « salut » sont concurrencées par un mouvement
évangélique « born-again » financé par l’axe américano-israélien qui
ajoute de la confusion à la confusion dans une ambiance de show
américain avec des pratiques mystificatrices servant à racketter des
populations médusées dont les pensées sont orientées vers un paradis
dont l’accès est conditionné par la pauvreté sur terre. Tout ceci fait
que les africains ne maîtrisent pas du tout leur espace dont ils ont
perdu d’ailleurs la possession depuis des millénaires si nous remontons à
l’Egypte pharaonique.
LA NR / Que faudrait-il faire pour inverser la situation ?
Lorsqu’on ne maîtrise pas son espace, on ne peut pas
le transformer. La condition sine qua non pour remédier à ce drame c’est
de comprendre que l’Afrique n’est pas africaine. Qu’elle n’est en rien
indépendante et que les africains ne décident de rien du tout. Ils
vivent sur des territoires qu’ils ne maîtrisent pas. Mais déjà ce
premier constat est nié et combattu farouchement par quelques
négro-africains trépanés dans les écoles et universités occidentales.
Ceux-ci le font soit par naïveté, soit par intérêts et quels intérêts
d’ailleurs ? Des Miettes qui tombent de la table des maîtres au travers
du financement du business associatif ou des miettes du pouvoir colonial
que ces négro-africains gèrent. Or sans ce diagnostic, les solutions à
prescrire seront du cautère appliqué sur une jambe de bois. Du reste,
c’est ce qui se passe. Donc, il faut poser clairement le diagnostic et
aboutir à la conclusion que l’Afrique demeure sous colonisation. Pour
preuve, elle produit toujours des matières premières contre des produits
finis et dans les deux cas les prix ne sont pas fixés par elle. Elle
subit des guerres coloniales, son système monétaire est contrôlé de
l’extérieur…Une fois ces faits établis, il faut dire aux africains que
le développement est impossible dans des cadres étatiques extravertis,
cloisonnés et construits à la conférence de Berlin entre 1884-1885 pour
résoudre les problèmes liés aux rivalités entre pays occidentaux
impérialistes. Qu’en conséquence seule une insurrection générale qui
démolira ces proto-Etats pour les reconstruire sur les valeurs
négro-africaines passées à la loupe de notre douloureuse histoire, avec
une idée fédérale comme principe et des outils de défense des plus
robustes peut sortir l’Afrique de la misère imposée à elle. Mais pour y
arriver, il faut former et informer les africains. Il faut les organiser
efficacement. Il faudra, pour cela, commencer par faire admettre aux
africains que sous un leadership éclairé et courageux, les peuples les
plus médiocres ont pu faire des bonds dans l’histoire et qu’en
conséquence l’attitude typiquement négro-africaine qui nous pousse à
haïr, à détester et à isoler celles et ceux de nos enfants qui sont
lucides et capables d’imprimer un rythme de marche relève de la folie
qui conduit au suicide. C’est uniquement sous un leadership capable que
nous relèveront la tête et dans ce cas, il faut dénoncer les
mesquineries qui nous minent, braquer la torche sur les petits coups
bas, éclairer les petits arrangements nocturnes pour isoler, détruire ou
court-circuiter les gens les plus vaillants parmi nous et saboter les
initiatives les plus audacieuses, ne plus confier aux plus incapables
mais qui par la ruse et le torpillage des autres s’accaparent des tâches
qu’ils se précipitent à couler dans l’immobilisme le plus paralysant.
C’est dans cet ordre d’ailleurs que nous avons lancé depuis février 2005
l’idée d’un front africain contre le néocolonialisme (FAN) qui, au
regard des évènements récents, est plus que nécessaire. Ce n’est que
suite à un bouleversement de cet ordre immobile établi entrainant une
maîtrise effective du sol africain que les africains pourront construire
une économie conforme à leurs besoins et à leurs aspirations.
LA NR / Pour vous, l’Union africaine telle qu’elle existe aujourd’hui, est le symbole palpable d’une Afrique sabotée. Par qui ?
komla Kpogli : Oui, l’Union Africaine dans sa forme
actuelle est la forme la plus perfectionnée de la non-Afrique. Car,
l’idée d’une unité continentale telle qu’elle a été envisagée par
Nkrumah, Sekou Touré, Nasser, Modibo Keita, Olympio et bien d’autres
était assassinée dès lors que le groupe de Monrovia s’était joint au
groupe de Brazzaville. Ce dernier étant, par origine et par destination,
un outil de la France, lorsqu’il a rejoint le groupe de Monrovia, a
fait naître une organisation continentale tronquée, inefficace,
absolument parasitaire et paralysante. Les idées du groupe de
Casablanca, plus en conformité avec l’esprit des pères fondateurs du
panafricanisme sont ainsi mises en minorité et tuées.
En clair, c’est la France qui a le plus ouvertement
saboté l’unité continentale. Bien évidemment ce torpillage s’est élargi
avec d’autres pays notamment les USA, la Grande-Bretagne, la Belgique,
le Canada et le cadre appelé l’Union Européenne qui ne perçoivent pas
l’Afrique dans un rôle autre que celui de fournisseur de sources
d’approvisionnement en matières premières et de débouchés pour leurs
industries. Mais, ces pays ont d’abord pris le soin de dresser ce que la
France coloniale appelle une « élite indigène » dont la mission est de
collaborer à l’exploitation de l’Afrique. C’est en faveur de cette élite
qu’on a assassiné ou renversé Lumumba, Olympio, Nasser, Nkrumah, Sekou
Touré, Modibo Keita et des millions d’autres anonymes. C’est en faveur
de cette même élite que le président Laurent Gbagbo a été renversé et
Mouammar Kadhafi assassiné froidement. Avec l’élimination de ces deux
derniers dirigeants, la pensée anticoloniale au pouvoir et l’ambition
d’une réelle unité africaine viennent de subir un rétrécissement
géographique dont l’immensité sera difficile à combler, car
actuellement, il ne reste en Afrique quasi-totalement que des
contremaîtres qui veillent jalousement sur les intérêts du colonialisme.
Jamais l’Afrique n’a connu une telle période dans son histoire,
puisqu’aux temps mêmes les plus sombres des razzias négrières et du
colonialisme direct, il y avait des gouvernants ouvertement hostiles au
système et favorables à la dignité aussi bien individuelle que
collective.
LA NR /Quelles seraient d’après-vous les conséquences d’Africom pour le continent africain ?
komla Kpogli : Africom c’est le dispositif militaire
que les européens qui occupent les terres indiennes d’Amérique ont conçu
pour encadrer l’Afrique. Ce commandement militaire opère actuellement
depuis Stuttgart en Allemagne. En dépit de toutes les explications des
responsables d’Africom notamment celles de son premier commandant, un
général noir – la précision vaut le coup – nommé William Ward qui est
remplacé depuis mars 2011 par le général Carter Ham qui veulent le faire
passer pour inoffensif et l’intérêt des africains, ce déploiement
militaire a et aura trois conséquences majeures.
Il vise avant tout à renforcer la présence des
européens occupant l’Amérique en Afrique et donc à agrandir leur sphère
d’influence politique. Ce qui signifie qu’ils influenceront plus
directement et plus lourdement la politique en faisant des coups d’état,
des guerres et du contrôle direct des populations. Ils auront des
troupes et leur commandement à portée de la main comme la France qui,
avec ses bases militaires au Gabon, à Djibouti et au Sénégal ainsi
qu’avec des opérations extérieures (opex) fait des guerres, opère des
changements de régime, soutient les régimes qui défendent ses intérêts
contre le peuple et contrôle les populations.
Ensuite, Africom vise à sécuriser les sources de
matières premières nécessaires à l’économie des USA, en particulier le
pétrole, dont l’importation aux États- Unis devrait, selon les termes
mêmes de la CIA, supplanter en volume dans les dix prochaines années
celles en provenance de l’Arabie saoudite. Ce qui veut dire que les
ressources africaines vont échapper davantage aux africains qui
contrôleront encore moins leur espace qui leur a déjà énormément
échappé.
Enfin et ceci n’est pas la moindre des conséquences,
ce commandement militaire visant à contenir l’influence chinoise sans
cesse grandissante en Afrique, entraînera une rivalité qu’on peut
qualifier de choc des titans et dont les victimes ne seront que des
africains.
Entretien réalisé par Chérif Abdedaïm, La Nouvelle République du 19/12/2011
http://www.lnr-dz.com/index.php?page=details&id=8079
entretien repris sur les sites:
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article123590http://lajuda.blogspot.com/
http://sos-crise.over-blog.com/article-l-union-africaine-aujourd-hui-est-le-symbole-d-une-afrique-sabotee-94209331.html
http://www.alterinfo.net/L-Union-Africaine-telle-qu-elle-existe-aujourd-hui-est-le-symbole-palpable-d-une-Afrique-sabotee_a68462.html
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