De la Palestine avec l’éternel « processus de
paix » inabouti, au problème iranien tel un phénix renaissant de ses
cendres à la crise syrienne et ses
épisodes à rebondissements, Pierre JC Allard, avocat et économiste
canadien fait le point avec La Nouvelle République.
Pour rappel, JC Allard a occupé plusieurs postes importants
dans différents secteurs au Québec. De 1957 à 2002, il a été avocat Membre en
règle du Barreau du Québec, coordonnateur général à la Société canadienne
d’assistance et conseil au développement des relations internationales des PME,
Vice-président (international) d’un consortium, pour fin d’exportation, de
quatre des plus importantes sociétés québécoises d’éducation et de formation,
Vice-président adjoint du plus grand
groupe canadien d’ingénierie-conseil. Directeur technique de la planification
et supervision de projets d’éducation et de formation, etc Comme il a été
chargé de mission internationales dans près d’une soixantaine de pays (Afrique,
Europe, Amérique Latine, Australie, Proche et Moyen-Orient, etc)
LA NR/Récemment, l’Union Européenne a publié un
rapport soulignant qu’en 2011 près de 411 agressions ont été commises par les
colons israéliens à l’encontre des Palestiniens. Alors que Netanyahou a
qualifié de « honteuse » la décision du Conseil des droits de l’homme de créer
une commission d’enquête sur les colonies juives en Cisjordanie. Pensez-vous
qu’avec cette fuite en avant israélienne, on peut encore parler de « processus
de paix » ?
La paix en Palestine ne peut venir que de la résignation des
Palestiniens, ou de la disparition d'Israël comme "État juif", ce
qui ne suggère rien d'autre que l'établissement sur son territoire d'une
gouvernance laïque reconnaissant des droits égaux à tous ses habitants..., ce
qui est la norme dans l'Immense majorité des états qui se disent démocratiques.
LA NR/La propagande américaine a réussi à enraciner
une paranoïa iranophobe dans l'esprit des sunnites dans tout le Moyen-Orient.
L’Iran et son axe chiite constituerait-il à ce point une menace pour les
sunnites ou l’Occident agirait-il selon d’autres desseins inavoués? Si oui, lesquels ?
Il est courant, depuis toujours, que chaque Etat cherche à
semer la zizanie au sein de ceux qui pourraient s'opposer à son expansion, en
montant en épingles leurs différences et en exacerbant les causes de
dissensions entre eux. Rien ici de nouveau, sinon le contrôle quasi total de
l'information par les USA et leurs alliés.
LA NR/Suite à la récente visite de Netanyahou aux
Etats-Unis, et l’intensification de la campagne anti-iranienne, quelle
conclusion peut-on tirer ? Cela ne
présagerait-il pas d’une éventuelle attaque israélienne des sites nucléaires
iraniens ?
Je ne crois pas
personnellement à une attaque contre l'Iran, dont les conséquences pourraient
être néfastes pour l'image non seulement
d'Israël, mais aussi de la diaspora juive. La menace d'une intervention suffit,
je crois, à maintenir le climat d'inquiétude qui sert les intérêts politiques
et économiques des bellicistes
LA NR/Dans la crise syrienne, les Occidentaux se
trouvent dans une impasse, notamment avec le double véto sino-russe. Dans ce
cas, seraient-ils prêts à contourner le Conseil de sécurité pour une
intervention militaire ?
Je ne le pense pas. Une aide financière et militaire aux
dissidents syriens devrait suffire à saper l'économie du pays et à y créer un
climat d'insécurité qui, à brève échéance, devrait susciter une opposition
croissante qui aura raison du gouvernement en place. Russie et Chine, bénéficiant indirectement de
l'impopularité de plus en plus universelle des USA, ne s'engageront pas dans
une escalade.
LA NR/Récemment, le ministre de la guerre Ehud Barak a
réaffirmé que la fin du régime syrien d’Assad est proche, alors que certaines
parties accusent Israël de jouer un rôle dans les événements en Syrie dans le
cadre d’un agenda étranger bien défini. D’une part, jusqu’où peut aller
l’implication d’Israël dans ces troubles ? Et d’autre part, serait-il dans
l’intérêt d’Israël que la Syrie soit déstabilisée avec changement de régime ou,
au contraire, cela risquerait-il de constituer une nouvelle menace ?
La déstabilisation de la Syrie ou de quelque pays de la
région ne peut en aucune façon constituer une menace réelle pour Israël ... et
ne peut non plus constituer un avantage que dans une stratégie de protection à
très, très long terme. On est donc dans
une guerre d'images, Israël voulant à la fois faire peur et optimiser le
soutien de la diaspora juive américaine en se prétendant menacée. Le seul risque est celui d'un malentendu dans
l'exécution des jeux de rôles.
LA NR/Si demain la Syrie est déstabilisée, quelles répercussions cela pourrait-il
avoir, d’une part, sur la suite
du conflit israélo-palestiniens, et d’autre part, cela pourrait-il altérer
l’axe Hezbollah, Téhéran ?
Je ne vois pas de répercussions directes immédiates sur le
conflit israélo-palestinien, mais il est certain que le contrôle du Hezbollah
est une partie entre plusieurs joueurs
qui se joue tous les jours, par l'infiltration et la corruption. Je suis trop loin du terrain pour porter un
jugement sur l'évolution de ce jeu, mais le temps travaille toujours pour une
Indépendentisation éventuelle des mouvements
nationaux soutenus pas des forces étrangères.
LA NR/Entre aspiration hégémonique américaine dans cette
région et intérêts israéliens, qui d’après-vous dirige le jeu ?
Je crois que le véritable meneur de jeu est une petite
minorité de la diaspora juive américaine qui tire d'immenses profits des
conflits fomentés par Israël. Le reste
de cette diaspora est soumis à une
terrible pression sociale pour soutenir ces aventures et donner à cette
minorité le levier sur la politique des USA qui rend ces aventures
possibles.
Il est possible que l'émergence du mouvement JSTREET aux USA
- et de son pendant JCALL en Europe - soit une tentative pour libérer la
gouvernance américaine du chantage de cette minorité qui travaille de
connivence avec le gouvernement d'Israël, lequel s'appuie de même sur une
minorité de fanatiques en Israël, pour assurer son pouvoir sur une population
sans doute plus pacifique dans son ensemble que ce que l'on voudrait nous faire
croire
LA NR/Le Qatar fait preuve d'un activisme
international important ces derniers temps. Il a été le seul pays arabe à
participer à la guerre en Lybie y compris sur le plan militaire (notamment en
fournissant des armes, de l'argent et la grosse caisse de résonnance de sa
chaîne de télévision Al-Jazeera). Et maintenant il est aussi très impliqué médiatiquement et
financièrement dans l'offensive contre la Syrie. Quels seraient ses objectifs,
d’après-vous ?
On ne peut parler sérieusement du Qatar comme d'un
pays. Vous avez un territoire et une
population sous la coupe totale d'une oligarchie. Cette oligarchie prend les décisions les plus
rentables pour ses intérêts, lesquels dépendent des offres qu'on lui fait.
L'offre de monter au front contre la Libye de Kadhafi a apparemment été
acceptée.
LA NR/Plusieurs sources concordantes avancent que des
unités des opérations spéciales britanniques et qataries opèrent, sous
couverture, auprès des forces rebelles dans la ville syrienne de Homs. Au vu de
la similitude avec ce qui s’est passé en Libye, la Syrie risque-t-elle de subir
le même scénario ?
Le risque existe,
bien sûr, mais je ne crois pas que l'équilibre des forces soit le même et je ne
pense donc pas que les choses se
terminent de la même façon à court terme.
Il faut plutôt craindre un travail de sape pendant 12 ou 24 mois.
LA NR / Dans l’un de vos article vous dites « Il
faudrait que le temps de la paix ne soit plus le temps de l’exploitation, mais
le temps de bâtir ». D’une part, ne serait-ce pas là une réflexion utopique ?
Et d’autre part, comment et sous quelles conditions ?
Elle est utopique
dans les circonstances actuelles et annoncer aujourd'hui les conditions qui
permettraient qu'il en soit autrement pourraient compromettre gravement les
chances que ces conditions se réalisent. Il y a un temps pour parler et un
temps pour agir...
Entretien réalisé par Chérif Abdedaïm, La Nouvelle
République du 27 mars 2012
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